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Humeur de plume et poils de chiens

Quelles vues de chiens ! (tome 3)

La saga des chiens bavards continue

La saga des chiens bavards continue

Troisième tome de la série des Méta Clebs, nouveaux personnages, nouvelles adoptions. Et toujours ce regard décalé entre le chien et son humain.

 

Extrait

« The » séance de dressage

S’étant elle aussi découvert une inclination pour l’éducation canine, la petite Ponpon a attendu le milieu de la matinée pour se livrer à l’abri des regards indiscrets à ses propres expériences en la matière.

Dans sa poche… droite, en guise d’appât, une bonne dizaine de croquettes. Ainsi a-t-elle vu procéder l’adulte Chou avec les  siennes chiennes Lulu et Holly, et tenu compte des premiers résultats positifs enregistrés par celui-ci, en plus la méthode a un mérite : elle est hyper fastoche. En outre et la petite l’a parfaitement compris, on tend une croquette au chien, on lui donne l’ordre voulu, en échange ce dernier s’exécute, et grosso modo, obtient sa croquette.

Le principe est enfantin : quand le chien est chage, on le récompense. Alors puisque cela fonctionne avec les « filles », eh bien…

 

  • Règle n°1 : Avant chaque sortie, passer son collier à votre animal, auquel vous prendrez soin d’attacher le mousqueton de la laisse. Mais auparavant, veillez à faire asseoir votre animal devant la porte, et sortez le premier.

 

Bon, alors, concernant son Ted, sa grosse truffe mange ses deux billes minuscules et ses oreilles démesurément longues, cela ne posait aucun problème particulier, elle pouvait en être certaine, de ce côté-là il n’y aurait pas de souci. Mais absolument aucun !

Certes il n’y voyait rien à cause de son gros pif, mais eh, c’était également pour cette même raison qu’il avait un odorat exceptionnel.

Autre avantage, ce Ted-là avait pour lui d’être en… peluche, et donc, à ce titre, d’être le plus souvent de bonne composition. Parfois la petite se le disputait avec le petit Piou, mais en règle générale on n’avait que peu de raisons de se plaindre de lui, ce qui n’était pas le cas de l’ours Basile, plus enclin à faire des bêtises que son voisin de p’tit dodo.

Aussi, obtempéra-t-il promptement à l’ordre donné :

― Aller mon chien, fais assis… euh, ou couché, c’est bien aussi. Tiens !

Qui reçut sa croquette.

Techniquement, la petite s’arrangea avec la constitution de son Ted, c’est-à-dire que, saisissant la croquette dans sa poche droite, « pour diser », quand elle passait dans la gauche, ça voulait dire que le Ted l’avait engloutie. Dans les faits, le Ted ayant correctement obéi, il eut droit à une deuxième croquette, poche droite, hop, bon chien !, poche gauche. Puisque pour diser, hein…

 

  • Règle n°2 : Une fois dehors, assurez-vous qu’il [votre chien] ne tire pas sur sa laisse et exigez de lui, le cas échéant, qu’il reste au pied.

 

Pour rester au pied, avec le chien Ted cela ne représentait pas non plus une réelle difficulté, de nature plutôt placide, l’intéressé n’était pas non plus du genre à traîner sa maîtresse sur le ventre, il n’avait rien à voir avec, par exemple, la jeune Holly.

Par contre, c’était cette histoire de « cazé chéant » qui reste au pied, qui gênait la petite. Qu’est-ce que c’était, au juste ? Un grand chien, ou un petit ? Un gentil, ou un méchant ? Et son Ted, faisait-il partie de la catégorie des chiens « cazés chéants », ou pas ? Aussi, dans le doute, elle fourra une coquette dans la gueule de son Ted, poche droite poche gauche, et l’encouragea vivement à ne pas faire le cazé chéant. Dans le doute, car il était de taille, elle lui en administra une autre, hop de la poche droite, à la gauche, le tour était joué. Le félicita, histoire de verrouiller l’affaire, de n’être pas un cazé chéant, mais un gentil cazé. Pour le cas où, pareillement, une troisième croquette passa hop, hop, d’une poche du patalon à l’autre. Puisque pour diser, etc., etc.

― C’est bien, mon Ted, c’est bien…

 

  • Règle n°3 : Ne rappeler votre chien que si vous êtes sûr qu’il revienne.

 

― Ted, ici mon Ted ! Oui, mon Ted, c’est bien…

Pari réussi donc.

Le Ted vint, moyennant un léger coup de laisse. Et une nouvelle distribution de croquettes, poche droite poche gauche, car comme on le sait, pour diser…

Le temps était ainsi venu de passer à l’exercice suivant :

 

  • Règle n°4 : Une fois l’ordre du rappel maîtrisé, incitez votre compagnon à vous suivre.

 

En théorie, du gâteau. Sauf si… s’il prenait à ce vilain d’ Ted de sortir sa tête du collier ! Qu’à cela ne tienne : pour sa peine il aurait une douille, euh non, elle ne lui mettrait pas d’ douilles mais le gronderait. Et non seulement on le gronderait et en plus, en plus, là, y aurait pas d’ croquette !

Toutefois, la petite Ponpon dut se rendre aux évidences, le collier était bien trop grand pour lui ! Ce qui signifiait que finalement, le Ted n’y aurait pas été pour grand-chose ? Aller on oubliait tout, une croquette, rien de tel pour se réconcilier. Poche droite, poche gauche.

Surtout qu’avec un petit réglage, plus rien n’y paraîtrait plus.

 

  • Règle n°5 : Pratiquez de la même manière pour les retours, si votre chien revient récompensez-le généreusement. Là encore, usez de patience…

L’aspect technique résolu, entre-temps le collier fut plus ou moins resserré, le fond demeurait. Pareillement, pour aller chercher son jouet : on lança une balle (pas trop loin), puis le Ted à la suite, en sorte que, tout à fait par hasard bien sûr, puisque pour diser, hein, ce dernier échoua presque sur sa baballe.

Avant de le faire revenir sur ordre :

― Aller mon chien, rapporte !

Oui, d’accord, si l’on se déplaça pour récupérer et le Ted, et la balle (rappelons-le encore : « Pour diser, il l’aurait rapportée de lui-même, sa baballe… »), après quoi l’on réunit le tout au pied de l’éducatrice canine d’un jour.

Et puisque le Ted avait réussi un sans-faute, on le gratifia de la fameuse croquette.

Autrement dit : bla-bla-bla, passage poche droite poche gauche.

 

  • Règle n°6 : Choisissez d’abord un endroit dans lequel votre animal se sentira en sécurité, puis habituez-le à faire Assis !, et Coucher !, puis varier les situations.

 

Concernant le Ted, ses aptitudes au dressage révélaient sans conteste un fort potentiel. Laissaient entrevoir de multiples possibilités. Aussi cet exercice était-il dans ses cordes, relevait-il indubitablement de ses compétences en devenir. Et parce qu’il était décidément surdoué, on lui fit sauter la première étape ― le Assis ! ―, pour passer directement à la seconde. La moins simple. Le coucher. Et ce, était-il encore indiqué, quel que fût le lieu !

― Aller mon chien, coucher ! Coucher ! Oui, c’est bien, bravo mon chien !

La récompense pour le coup, montait facilement à deux, voir trois croquettes, clic-clac, poche droite poche gauche, on connaissait la suite et on la connaissait d’autant mieux que le Ted avait un sacré appétit !

A ce train-là, calcula la petite, c’est un sac par jour, qu’il lui faudrait, à ce glouton !

Elle plongea la main dans sa poche droite, constatant qu’il ne lui restait plus de munitions, gourmanda ce satané goinfre pour s’être ainsi rempli de ventre sans vergogne.

 

  • Règle n°7 : Ramenez votre animal à la maison et félicitez-le.

 

Au retour donc, et avec un Ted plein de poussière et quelques graviers plus loin, direction le placard à gâteaux.

Traînant une chaise derrière elle jusqu’au buffet de la cuisine, la petite escalada gaillardement le meuble, ouvrit une des portes, farfouilla quelques secondes, trouva enfin son bonheur. Saisit ― chic, alors, ses préférés ! ― le paquet de Granola dont elle sortit quelques biscuits ― 4 au total ―, qu’elle tendit généreusement à son Ted juché lui aussi sur le plateau du buffet :

― Tiens mon chien, bon chien !...

Balançant le contenu de la poche gauche dans le baril à croquettes, la petite Ponpon dirigea d’une main de maître la transaction :

― …Tiens, tu les as bien mérités ! Aller, pour diser j’ te les donnerais, c’est toi qui les mangerais mais c’est dans ma bouche qu’ils iraient, d’accord ?...

Eh oui, car comme qui dirait, justement :

« Pour diser »…

Mardi 8 avril

Tandis que les deux chiennes jouent à bagarre sur la canapé et ses alentours, elles décident soudain de partir à l’assaut de l’escalier et de poursuivre l’action sur le dodo des P’tits-parents, endroit dont l’accès leur est formellement interdit pour les raisons que l’on sait, l’adulte Poupette alors aux WC, qui, par la porte laissée entrouverte, les a vues se courser l’une l’autre avant de sauter sur le matelas, les interpella dans l’espoir, vain, de les faire sortir de la chambre :

― Lulu, Holly !

Ce à quoi l’adulte Chou, qui n’avait pas perdu une traîtresse miette de la scène, rétorqua d’un air taquin :

― Ben, faudrait savoir c’ que tu veux !

― … ?

― C’est sûr qu’ si tu dis à Lulu d’aller au lit, elle va plus rien piger à la fin !

Samedi 12 avril

Au revenir de la pissette matinale, la gelée sur les talus, la rosée et l’herbe mouillée, la terre des champs fraîchement retournée, ce ne sont pas moins de 12 pattes qu’il s’agit d’essuyer avant, chaque chien doit s’y soumettre, d’obtenir un laissez-passer pour la maison.

Le douanier Chou est chargé de filtrer les candidats au poste frontière et de procéder au nettoyage des papattes et des petits ventres

Comme convenu ci-dessus dans la clause d’admission, au moment de laisser la jeune Holly entrer sur le territoire, l’a ainsi accueillie, selon les directives administratives en vigueur :

― Aller Holly, tu me donnes tes pattes, ma fille.

Avant de se voir répondre, très insolemment il faut le souligner :

― Ouais, mais t’oublies pas qu’elles s’appellent « reviens », Ok ?

― … ?!

 

Holly, à Lulu : Eh Lulu ?

Lulu : Hum ?

Holly : Tu sais c’ qui est grand, qui porte une doudoune orange, un sifflet et un chapeau, avec dessous une tête de P’tit-papa, et qui nous file toujours un p’tit quelque chose en disant : « Aller, mes filles, au retour… » ?

Lulu, cherchant, puis donnant sa langue au chat : Euh, nan ? Dis ?

Holly : Un distributeur à croquettes ! Hi, hi, hi…

Lulu : Cr, cr, cr…

Dimanche 13 avril

« Homme libre, tu chériras la mer… »

Avec le vieux Pic-pic au soir de sa vie, pas méchant pour un sou, grand ami des enfants et des petits devant l’Eternel, face auxquels il avance frétillant et bienveillant, engageant qu’il est de par sa nature sociable.

La plage, donc.

Du monde.

Des parents et des apprentis surfeurs dans tous les sens. Qui vont et viennent sur le sable translucide avec leurs planches. D’autres familles sont tranquillement installées au pied de la dune. Les enfants occupés à bâtir d’éphémères châteaux de sable.

Et tout concourt à la beauté du paysage qui déroule devant nous ses beaux atours, le ciel, d’un bleu magnifique, profond et dense, le sable, fin et blanc, le soleil, chaud. L’humeur, à la décontraction. Les lunettes de soleil, quelques mèches de cheveux soulevées ici ou là par une brise tiède.

Dans ce paysage quiet et bourgeoisement ordonné, un papa, une maman, et leurs fillettes.

Ils sentent bon la classe moyenne sup’, ils font propres sur eux, teints hâlés. Monsieur porte un tricot sous les manches sportives duquel saillent de beaux biceps, tandis que madame, sous sa longue chevelure virevoltante, sourit derrière ses verres fumés. Inspirant notre ami Pic-pic qui profite de cette charmante photo de famille pour s’y immiscer, ses oreilles battant pavillon peace & love à l’endroit des deux gamines. L’une manifestement ravie. L’autre plus réticente, son seau en plastic collé prudemment contre elle.

Après les joies d’usage, jamais expansives, et toujours contenues, au vu de la grimace légèrement précieuse que lui adresse la plus grande, l’adulte Poupette comprend que notre vieux pépère n’est pas le bienvenu, monsieur l’écarte d’un geste du bras, geste qu’on ne pourrait pas qualifier d’agressif ni de violent, non, non, mais pire, il est de type repoussoir, un d’agacement, où l’on décodait sans peine le rejet oui, surtout la transgression sociale qu’avait osée commettre le pauvre pépère à l’encontre de l’Ordre et de la Famille, en gros il avait franchi les limites du sacro-saint espace intime fondé sur l’inviolabilité symbolique des classes possédantes : c’est-à-dire qu’il avait introduit de l’altérité, de l’étranger, dans les deux ou trois mètres carrés que ces peignes culs s’étaient adjugés, sûrs de leur bon droit comme le sont de leur genre.

Confiant en ses valeurs de classe, monsieur avait probablement vécu cette sémillante irruption ― un chien qui vous fait des joies représente pourtant l’innocence même, ce après quoi sans être rousseauiste pour deux ronds on peut toujours courir, nous simples sots ―, comme une menace de contagion extérieure, un affront au rang, forcément digne d’égards que ce bon père de famille protecteur, comme peut l’être tout jeune vieux con qui se respecte, se chargeait de faire valoir à ces mange-graviers incapables de maîtriser leur cabot.

Un cordon sanitaire s’imposait par conséquent, et la nécessité de plus en plus pressante de faire déguerpir ce tas de poils bouclés et sa queue en plumeau. D’où ce geste. Du bras. Et d’ailleurs, comment n’y pas voir le prolongement de celui, armé, de la force publique lorsqu’elle reconduit les indésirables de l’autre côté de la frontière ? Car ses progénitures couraient un immense danger, celui de faire l’expérience avec l’Autre, le non-soi, avec l’aliter essence première et dernière de notre monde. Et de nos maux, pour peu que des imbéciles en ajoutent sur les braises incandescentes de l’intolérance.

Un affront, voilà ce que notre petit Monsieur Normal avait subi, une entorse à la respectabilité lui étant due aux noms de ses valeurs prudentes.

Mais madame, quel beau sourire !

Radieux, gai, absolument pas hostile envers notre joyeux brouillon, contraste frappant, microfissure dans laquelle il était plutôt cocasse de se faufiler et de se demander quel regard, quelle image sa femme pouvait bien porter ou censurer c’est selon, sur un mari aussi coincé.

― Madame, les chiens, on les tient en laisse, ici !, avait-il battu froid l’adulte Poupette partie chercher son ancestral chiffon tout perclus d’arthrose.

Lointaine, littéralement indifférente à la remarque, l’adulte Poupette se contentera de répondre par un simple :

― Ah bon ?

Qui la connaissant, ne signifiait pas autre chose qu’un : « Et alors ? »

Avant de lui tourner le dos sans même se donner la peine de le regarder.

Ainsi est-il dit :

 

« Homme libre la mer tu chériras,

Et des cons, te détourneras… »

…Pendant que dans la forêt lointaine, euh !

Même lieu, même jour.

Mais à l’autre extrémité de la plage.

Dans un coin retranché, au détour de la dune, un banc de sable désert, idyllique. Inattendu. Genre carte postale. Sous les tropiques. Bretonnes.

Comme chacun le sait, le petit nom de Lulu est, Miss Coucou. Il y en a d’autres, mais c’est le plus usité. En effet, les jours suivant son adoption et l’arrivée dans son nouveau foyer, la petite Lulu avait pris pour habitude de surgir à l’improviste de derrière le canapé et de lécher les adultes Piou et Poupette à grands coups de langue-pinceau. D’où l’origine de son surnom, Coucou, signe manifeste de ses apparitions aussi impromptues qu’imprévisibles :

— Tiens, voilà Miss Coucou !

Puis de fil en aiguille :

 — Alors ma coucou, ça va pas ? T’es malade, ma coucou ?

— Ben alors, viens ma coucou, viens ma fifille…

Jusqu’à ce que notre pépète finisse vraiment par y répondre. A son surnom.

Aussi que n’a-t-on pas rigolé en voyant notre Lulu tourner par deux fois la tête et dresser les oreilles en direction de la pinède d’où nous parvint le chant éponyme, si typique du coucou, un vrai celui-ci, hululant ses quatre syllabes :

Coucou, coucou

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