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Humeur de plume et poils de chiens

La Méthode Superman (tome 4)

Quelle méthode théorique mettre en place pour asseoir l'essai thérapeutique.

Quelle méthode théorique mettre en place pour asseoir l'essai thérapeutique.

Les Carnets de Vie affirment ici leur genre Hybride comme méthode exploratoire du mal-être névrotique, aussi se revendiquent-ils désormais de l’Essai Thérapeutique, essai pour s’en sortir d’une part, essai littéraire au sens de proposition libre, d’autre part, dans le maniement conceptuel et théorique auquel se sera articulée la cure de l’auteur.

Il y eut le complexe Superman, l’approche phénoménologique de son mal-être, il y eut l’effort d’élaboration, l’Hypothèse de la récupération de soi, elle soulève l’épineuse question de ce qu’il est possible de reprendre à la névrose, le quatrième Carnet quant à lui, outre quelques précisions d’ordre épistémologique apportées sur la composition de ces essais ainsi qu’un questionnement sur la légitimité qu’a ou pas un analysant pour se lancer sur cette voie littéraire, tentera d’interroger l’essentiel : doit-on parler guérison, ou apprendre à faire avec ? Et d’après la Spéléologie du Noyal, la symbolisation suffit-elle, seule, à étouffer la douleur ? Enfin, la Vérité que le thérapeute détient sur son patient a-t-elle une chance de rencontrer celle de ce dernier, sachant qu’au centre, l’unique mieux aller servira de critère de référence ?

Disponible sur demande, 174 pages.

Extrait

Le prix à la pompe

I

Bon débarras !

Et c’est tant mieux !!!

Il nous aura causés tant d’ennuis celui-là…

Ce quatrième et pour le moment, un long moment espérons-le, et dernier Carnet, nous le montrera moins sous l’angle thérapeutique des recherches et trouvailles faites par lui, que par le comment y sera-t-il parvenu. Comment établit-il la distanciation si tant est qu’elle fût possible, elle le fut cependant, et ce, même très imparfaitement, entre lui sujet et lui objet. Il s’agissait plus de toute façon de poser cette question, la thérapie comme démarche s’est imposée, et quel que soit la méthode retenue, elle eut quoiqu’il arrivât engagé cet effort de distanciation de soi à soi. Il n’y avait juste plus qu’à montrer l’organisation de cet effort par retour sur les moyens employés, et surtout, l’analyse de l’analyse au plan formel cette fois, rappeler dans quelles conditions et sous quelles conditions elle a eu lieu. — La facture n’aura pas été des plus aisées qui forçait à partir de l’intériorité même du sujet qui s’observe, cela fut comparé à la mise en place d’une Spéléologie du Mal-être, pour reconstruire grâce à cet effort de distanciation l’équivalent d’un rapport d’extériorité de type observateur :

 

(…) Tout compte fait, nous, chercheurs de la connaissance, ne devons pas manquer de gratitude envers de tels renversements de toutes les perspectives et de toutes les évaluations habituelles, par le moyen desquels l’esprit, d’une manière apparemment criminelle et inutile, ne s’est que trop longtemps déchaîné contre lui-même : se mettre ainsi un jour à voir autrement, vouloir voir autrement, ce n’est pas une médiocre école, une médiocre préparation de l’intellect à sa future « objectivité », — cette dernière comprise non pas comme « une manière de voir désintéressée » (ce qui est un inconcevable non-sens), mais comme ce qui permet de tenir en son pouvoir son pour et son contre et de les combiner de différentes manières : de sorte l’on soit capable de faire servir à la connaissance la diversité même des perspectives et des interprétations d’ordre affectif. Gardons-nous donc mieux dorénavant, Messieurs les philosophes, de ces vieilles et dangereuses fables conceptuelles qui ont inventé un « sujet de la connaissance pur, étranger au temps, sans volonté ni douleur » ; gardons-nous des tentacules de concepts contradictoires tels que « raison pure », « spiritualité absolue », « connaissance en soi » : — on nous demande toujours là de penser un œil qui ne peut pas du tout être pensé, un œil dont le regard ne doit avoir absolument aucune direction, dans lequel les énergies actives et interprétatives doivent se trouver paralysées, faire défaut, alors qu’elles seules permettent à la vision d’être vision de quelque chose ; c’est donc toujours un inconcevable non-sens d’œil qui est demandé là. Il n’y a de vision que perspective, il n’y a de « connaissance » que perspective ; et plus nous laissons entrer de sentiments entrer en jeu à propos d’une chose, plus nous savons engager d’yeux, d’yeux différents pour cette chose, plus notre « concept » de cette chose, notre « objectivité » sera complète. Eliminer la volonté, écarter tous les sentiments sans exception, à supposer que cela soit possible : comment donc ? ne serait-ce pas là châtrer l’intellect ?... [1]

 

Déconstruire le Complexe aura participé de plusieurs procédés dont les principaux furent l’autoanalyse dans le cadre d’une psychothérapie, et les recherches bibliographiques destinées à éclairer telle ou telle intuition, telle ou telle découverte. Nonobstant l’impossibilité même de cette perspective la déconstruction du héros par son super- le choix fut fait que d’élaborer une sorte d’ethnographie en terre névrotique dans ce que le projet, déjà rien qu’à cause de ce qui vient d’être dit, aurait de plus baroque il tint effectivement ses promesses.

Pour intégrer le disparate et l’écrit dan tout ce qu’il avait de franc-tireur il fallut jusqu’à inventer le genre littéraire lui-même, l’Hybride et comme on le verra plus loin l’emploi de substantif n’a rien d’exagéré, et encore, à l’intérieur, dans son périmètre, lui associer une identité de genre cette fois-ci, l’Essai. Il sera également montré plus loin les réticences sinon les inhibitions entourant l’usage d’un tel mot tant la représentation que l’on s’en fait comporte d’élitisme et de sérieux. Il fallut dès lors établir un compromis que de vouloir faire entrer Ali Baba dans une canette de soda, opter pour une formule permettant à l’auteur de rester à l’abri des coups de fusils éditoriaux : l’Essai Thérapeutique. N’excuse-t-on pas les excentricités du fou au nom même de ce qu’il est ? L’écrire ne fait-il pas partie des ateliers thérapeutiques en psychiatrie ? Qui pour tirer avec du gros calibre sur le travail d’un analysant ? à qui ferait-il de l’ombre ? il n’est ni praticien ni expert !... Au pire se moquera-t-on de lui, mais dès lors, on pourra répondre avec certitude que la bêtise aura bel et bien changé de camp ! — Le statut de l’Essai Thérapeutique offre au moins deux lectures possibles : la première, se revendiquant de parenté, même éloignée, avec le genre classique, propose une analyse ainsi qu’une approche totalement libre dans le style autant que la composition des Carnets, comme tout essai le sous-genre Thérapeutique fut proposition, il a proposé, mais a été proposition aussi, l’empruntant tantôt à différents champs disciplinaires lorsque l’intuition ou l’explication méritait d’être étayée de par la responsabilité engagée de l’auteur de ne pas non plus raconter toujours n’importe quoi, tantôt à sa propre vision du phénomène névrotique, mini théorisations essaimant ici ou là et elles étaient alors de son tonneau que de refuser de réduire ces Carnets à de simples fiches techniques, il fallait que le point de départ, l’intériorité malade passée au crible du questionnement, soit respecté que de le restituer même artificiellement sous la forme d’une enquête s’étant efforcée de maintenir coûte le rapport d’extériorité nécessaire à une objectivité plus ou moins acceptable. — Essai encore, mais cette fois, au sens littéral du terme : tenter de s’en sortir, et le plus, et le mieux possible de l’ornière névrotique, elle était dépendance, histrionique, et aujourd’hui cela importe peu que d’avoir su à peu près où resituer la trame symptomatique comme forme et expression comportementale de ce qu’il me restait à comprendre et qui ne figure nulle part comme tel ainsi que l’eût fait un traducteur en passant sans cesse du discours malade au discours savant. Essayer de s’extraire du douloureux, de l’alentir dans ses accès séquentiels, j’y reviendrai encore mais autant reconnaître dès à présent que cet essai pour aller mieux, incluait nécessairement les moyens qui vont avec et non l’inverse. Et c’est bien parce que je pris le sens de « l’analyse » au premier degré du terme, qu’avec celui thérapeutique, ils ouvrirent un tel espace que la maladie elle-même put devenir objet littéraire. — Essai enfin de mettre à l’épreuve du feu et des faits la problématique devenue centrale au fur et à mesure, l’Hypothèse thérapeutique de la récupération de soi. Elle aura connu son lot de succès, mais aussi, de revers.

Le prix à la pompe du Super- est devenu tel, qu’il rend onéreux les déplacements hasardeux, ceux destinés juste à montrer les lustres du véhicule, un vieux modèle relooké, le Syndrome du Tunning, consistant à faire d’une voiture la plus banale qui soit une sorte d’ovni dont l’ordinaire du modèle ne disparaît jamais tout à fait et c’est bien cela qui pousse au ridicule que de voir telle ou telle auto ne dépassant pas les 70 km/h dans les cotes être transformée grâce aux retouches et aux ajouts d’ailerons et autres en prototype spatial. Il en va de même pour l’histrionisme, non seulement ces voitures-là sont moches, mais en plus, gloutonnes ! Et le sacrifier au prix où est le litre à l’apparat représente un poste de budget tel, que forcément, l’on se voit contraint de rogner sur le reste.

II

Les Carnets ont mis en mots les maux mêmes tels qu’ils auront été décortiqués au cours des séances, les deux moments ont été complémentaires si l’on peut dire ; même que de voir un moment, l’écrire ou la séance, inspirer plus tard l’autre. L’écrire peut se permettre de prendre tout le temps nécessaire afin de laisser décanter le Dit oral du cabinet.

Mais il est davantage encore.

L’écrire s’il débloque au cours d’une réflexion ayant lieu sur soi à n’importe quel moment de la journée, a pour lui le mérite, une fois couché sur le papier, de ne pas être oublié, mieux, d’être ainsi retenu pour ensuite être approfondi et l’approfondissement ne dit jamais par avance les limites ni la fin. Aussi, est-il travail d’appropriation de ce qui est dit, et ce qui soulage, ce qui débloque de douloureux, de mal-être, tout ce qui au final concourt à une meilleure acceptation de soi, aura alors prouvé une efficacité qu’une lecture savante parallèle n’aurait peut-être jamais apportée quoique mieux qualifiée pour prétendre parvenir à ce résultat.

Il en va ainsi, lorsque l’écrire par exemple, dépassant le simple témoignage et le radotage du récit journalier, ambitionne d’organiser son vécu à partir d’interrogations prenant la forme d’hypothèses, c’est-à-dire en reliant tel événement du passé à tel ou tel autre encore, vérifier qu’il n’y ait pas justement une relation de type cause à effet, et en allant plus loin, une fois cette relation établie et ayant fait sens pour un point d’interrogation laissé en suspens quelque part dans la récurrence du mal-être, pourquoi pas l’organiser, c’est-à-dire encore observer son fonctionnement de plus près, isoler des éléments, puis comprendre l’importance du rôle qu’il joue une fois replacés dans leur contexte et là, c’est leur interdépendance, et mieux, le rôle qu’aura joué celle-ci dans l’installation du mal-être. On se prend donc, petit à petit, à dégager des structures ; on les sait relativement éloignées des modèles « scientifiques », et j’y incluse volontiers les travaux de la psychanalyse, ce n’est pas l’habit qui fait le moine mais la foi qui le lui fait porter, et pareillement, pour spéculative que peut apparaître la psychanalyse, combien de déblocages n’ai-je pas à porter à son compte… Des structures alors qui ne vaudront pas davantage que de faire sens et la raison même de l’Hypothèse thérapeutique de la récupération de soi, n’aura pas, ne connaîtra pas d’autre issue qu’une récupération non pas de soi mais du sens de soi. — Aussi, toutes ces structures qui nous aurons mises à jour sur le mode de l’autoanalyse pourront très bien n’avoir que peu à voir avec le travail de praticiens dont c’est le métier que de contribuer à l’avancée de la discipline, à ceci près toutefois, et l’argument pèse, qui n’est même pas une dérobade face au principe de réalité : qu’ici, c’est l’analysant qui prend la parole, fournit un travail d’analysant, dont le but unique fut que de (naître) thérapeutique et rien d’autre. Alors forcément, certaines structures auront ceci d’hasardeux qu’elles organiseront des éléments ayant fait sens pour ce dernier, et encore, lorsqu’il parlera de « structures », l’analysant aura eu conscience qu’elles furent aussi parfois plus ou moins métaphoriques, et il en serait resté ainsi s’il n’avait pris soin de les soumettre à sa thérapeute, dont le boulot n’est pas de juger de la validation épistémologique de telle ou telle proposition structurale, mais bien de mesurer la concordance entre celle-ci et ce que parvient le sujet à résoudre de sa névrose en y recourant :

 

Si l’existence ne peut se fonder dans le simple Dasein, elle a besoin d’une autre origine.

Celle-ci s’enracine selon Jaspers dans la transcendance.

En elle l’existence trouve son orientation, et elle est la source et la possibilité de sa liberté[2].

 


[1] Friedrich Nietzsche, La généalogie de la morale, « Que signifient les idéaux ascétiques », Folio essais, p. 141.

[2] Peter Kunzman, Franz-Peter Burkard et Franz Wiedmann, Atlas de la philosophie, « Philosophie de l’existence », La Pochthèque, Livre de Poche, p. 201.

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